Quand la Génération Z devient un Être d'Information : Le soulèvement du Maroc et le protocole qu'on ne peut pas arrêter
Regarder depuis Oakland alors que mon pays natal apprend ce que le Kenya et le Bangladesh savent déjà : la Génération Z se coordonne comme des essaims, pas comme des foules. Des camions de police fonçant sur des manifestants à Oujda, des scénarios de théorie des jeux, et pourquoi les gouvernements en pilote automatique perdent toujours.

15h, heure du Pacifique. Mon téléphone s'illumine avec une vidéo d'Oujda, Maroc. Un camion de police. Une foule. Une accélération délibérée. Un corps qui ne se relève pas.
Les premiers rapports parlaient du premier mort du soulèvement de la Génération Z marocaine. Mises à jour ultérieures : gravement blessé, stabilisé. Mais le signal était déjà envoyé.
Je suis à 10 000 kilomètres, à Oakland, regardant mon pays natal découvrir ce que le Kenya a appris en juin 2024, ce que le Bangladesh a appris en juillet 2024, ce que le Népal a appris il y a trois semaines : la Génération Z ne manifeste pas comme leurs parents. Ils n'ont pas besoin de leaders qu'on peut arrêter. Ils n'ont pas de quartier général qu'on peut perquisitionner. Ils se coordonnent comme des essaims, comme le mycélium, comme des paquets de données trouvant des routes autour des nœuds endommagés.
Voilà ce qui arrive quand une génération entière devient un être d'information.
Je n'ai jamais voulu que ce blog devienne une couverture de l'actualité mondiale, encore moins de la politique. Mais quand les systèmes d'information, les protocoles de coordination et la conscience distribuée croisent ce qui se passe dans les rues de mon pays natal—c'est exactement ce que le cadre conceptuel des Êtres d'Information a été construit pour expliquer.
L'événement de compression
5 septembre 2025. Le Prince héritier inaugure le stade Prince Moulay Abdellah rénové à Rabat. Capacité : 69 500. Coût : non divulgué, mais fait partie d'une modernisation de neuf stades pour la Coupe du Monde FIFA 2030. L'un des stades les plus modernes au monde, disent-ils. Suivi aérien. Systèmes de paris en direct. Le Maroc bat le Niger 5-0.
Médias d'État : « Un triomphe de l'ambition marocaine. »
Vingt-deux jours plus tard, 27 septembre, les manifestants à Rabat scandent : « Des hôpitaux plutôt que des stades. »
Le stade n'était pas le déclencheur. C'était l'événement de compression—le moment où des mois de signaux accumulés (femmes enceintes mourant dans des hôpitaux vides, victimes du séisme de 2023 vivant toujours sous des tentes, rapports de corruption, un effondrement du système de santé documenté sur les réseaux sociaux) se sont cristallisés autour d'un symbole impossible à ignorer.
Des stades pour 2030. Des hôpitaux sans équipement pour 2025.
Les chiffres ne collaient pas.
Pilote automatique sans responsable désigné
J'ai quitté le Maroc en 2015. Dix ans à regarder de loin, et la partie la plus étrange n'est pas les manifestations—c'est l'absence au centre du pouvoir. Pas de tyrannie. Pas de malveillance délibérée. Juste... le pilote automatique.
Pas de Responsable Directement Désigné (DRI).
Dans la Silicon Valley, quand un système critique commence à défaillir, on assigne un DRI. Une personne qui possède le problème, coordonne la réponse, prend la décision. Le gouvernement marocain en 2025 ressemble à un système distribué sans propriétaire—des ministères qui font leur truc, le palais qui fait son truc, tout le monde supposant que quelqu'un d'autre gère le ticket « mécontentement des jeunes ».
Pendant ce temps, la télévision d'État couvre l'entraînement de football pendant que les villes brûlent.
Les manifestants de la Génération Z utilisent l'expression « ils nous ont laissés à notre sort ». Littéralement : ils nous ont abandonnés à notre situation. Mais il y a une vérité plus profonde : le gouvernement s'est abandonné lui-même à ses propres processus. Bureaucratie en régulateur de vitesse. Dépenses d'infrastructure suivant la feuille de route de 2015. Engagements de la Coupe du Monde pris quand l'âge médian au Maroc était 26 ans, pas 23.
Personne au volant. Juste l'inertie.
Le pilote automatique perd toujours face aux protocoles.
L'essaim se réveille
Regardez comment ça s'est déroulé :
27 septembre : Manifestations dans plusieurs villes. Organisées par « GenZ 212 »—un collectif anonyme et décentralisé qui existe principalement sur Discord, TikTok, Instagram et X. Pas de manifestes. Pas de leaders faisant des interviews télé. Juste des hashtags et des points de rencontre.
28 septembre : Plus de villes. La police détient des dizaines de personnes avant même que les manifestations ne commencent—arrestations préventives basées sur la surveillance des réseaux sociaux. Contre-insurrection classique. Arrêter les nœuds, tuer le réseau.
Sauf qu'il n'y a pas de nœuds. Juste des arêtes.
29 septembre : Les manifestations s'étendent à plus de 11 villes malgré les arrestations. Comment ? Parce que GenZ 212 n'est pas une organisation—c'est un protocole. On ne peut pas arrêter un mécanisme de coordination. On peut arrêter Ahmed qui a posté le TikTok, mais 47 autres personnes l'ont déjà téléchargé, remixé, reposté avec un audio différent. L'information ne meurt pas avec le messager.
30 septembre, 22h GMT+1 : Oujda. Le camion de police. Le corps qui ne s'est pas relevé.
En moins d'une heure, je regarde la vidéo à Oakland—partagée sur X, Instagram, TikTok, se propageant via des canaux chiffrés. Les premiers rapports parlaient d'un décès—corrigé plus tard en blessure grave, stabilisé. Mais l'information se fiche des corrections. Au moment où ce billet sera en ligne, elle aura probablement été vue quelques millions de fois. Des manifestations sont déjà planifiées pour le 1er octobre dans des villes qui ne s'étaient pas encore mobilisées.
La violence n'a pas supprimé le mouvement. Elle l'a enflammé.
La théorie des jeux appelle ça un « signal d'engagement ». L'État vient de prouver qu'il est prêt à tuer. Ça devrait être terrifiant, non ? Dissuasif ?
Sauf que le signal voyage dans les deux sens. Pour les manifestants, ça prouve que le gouvernement a peur. Assez peur pour écraser des gens. Ce qui signifie que le gouvernement pense que les manifestations pourraient réellement fonctionner.
L'information change le jeu.
Le Kenya a montré le schéma
25 juin 2024. Nairobi. La Génération Z kényane prend d'assaut le parlement au sujet du Finance Bill 2024—hausses d'impôts en plein effondrement économique. La police tue environ 20 manifestants ce jour-là. Le président Ruto retire le projet de loi le lendemain.
Mais les manifestations ne s'arrêtent pas.
25 juin 2025—exactement un an plus tard—des milliers manifestent à nouveau. Plus au sujet du projet de loi. Au sujet de tout. Santé. Emplois. Corruption. L'ambiance, comme dit la Génération Z, est pourrie.
Le gouvernement kényan a arrêté des manifestants en juin 2024. Dissous leurs groupes Telegram. Surveillé leurs hashtags. Tué certains d'entre eux.
Les manifestations sont revenues plus fortes un an plus tard.
Pourquoi ? Parce qu'on ne peut pas tuer un protocole. On peut seulement prouver qu'il fonctionne.
Bangladesh : Manifestations étudiantes sur les quotas d'emploi (juin-août 2024) qui dégénèrent en soulèvement complet. La Première ministre Sheikh Hasina fuit le pays après 15 ans au pouvoir. Le blackout Internet ne les a pas arrêtés—les manifestants se coordonnaient via VPN, réseaux maillés, bouche à oreille. L'information voulait contourner les dégâts.
Népal : 4 septembre 2025—le gouvernement interdit 26 plateformes de réseaux sociaux suite à des scandales de corruption. 8 septembre : manifestations à Katmandou. 13 septembre : le gouvernement démissionne, interdiction levée. Cinq jours.
Le schéma : Chaque tentative de supprimer le flux d'information prouve que l'information est dangereuse. Ce qui la rend plus précieuse. Ce qui augmente l'incitation à la partager.
Effet Streisand rencontre problème de coordination rencontre menace existentielle pour le pouvoir.
Information × théorie des jeux : trois avenirs
À partir d'ici, le soulèvement marocain pourrait suivre trois scénarios. J'écris ceci à 18h à Oakland le 30 septembre 2025 (3h du matin le 1er octobre à Rabat). Extrapolons.
Scénario 1 : escalade via répression (60% de probabilité)
La monarchie décide que les manifestations sont une menace existentielle. Dissuasion maximale. Blackout Internet. Arrestations de masse. Plus de violence.
1-3 octobre : Les affrontements s'intensifient. Les arrestations atteignent 200+. Premiers appels à la grève générale.
4-7 octobre : Blackout Internet partiel. Les médias internationaux diffusent les images d'Oujda. Les manifestations s'étendent à plus de 10 villes.
8-21 octobre : Les victimes montent à 5-20. Les partis d'opposition rejoignent. Perturbations économiques—le tourisme s'effondre, les entreprises ferment. Les enjeux économiques sont réels : le Maroc vient d'afficher des revenus touristiques records—87,6 milliards de MAD (8,5 milliards $) sur les huit premiers mois de 2025, en hausse de 14% en glissement annuel. Août seul a rapporté 19,1 milliards de MAD. Un effondrement du tourisme suite à des manifestations prolongées dévasterait l'économie.
22 octobre-novembre+ : Soit le gouvernement réprime complètement (intervention militaire, blackout total des communications), soit il s'effondre sous la pression internationale et la paralysie économique.
Résultat : 1-3 mois de troubles soutenus. Victimes élevées. Le régime survit mais délégitimé, ou tombe. C'est le chemin du Bangladesh.
En termes de théorie des jeux, ça arrive quand la monarchie interprète mal la situation comme un problème de coordination (arrêter les coordinateurs !) au lieu d'un problème de protocole (on ne peut pas arrêter l'algorithme). La répression signale la force, mais si elle échoue à dissuader, elle prouve la faiblesse.
Scénario 2 : désescalade via concessions (30% de probabilité)
Le Roi Mohammed VI ou le Prince héritier donne un discours national sous 48 heures. Reconnaît la violence à Oujda et dans d'autres villes. Promet une enquête. Nomme un DRI—un groupe de travail incluant la Génération Z avec autorité réelle pour traiter la santé, l'éducation, l'emploi.
1-2 octobre : Discours royal. Ton : paternel mais pas condescendant. Reconnaît la douleur. S'engage à l'action.
3-5 octobre : DRI annoncé. Réformes partielles : financement de la santé réorienté depuis les budgets stades. Manifestants arrêtés relâchés.
6-14 octobre : Les négociations commencent. Les manifestations diminuent. Les craintes de blackout médiatique se dissipent alors que le gouvernement montre de la transparence.
15 octobre-décembre : Réformes progressivement mises en œuvre. Les manifestations s'estompent mais la surveillance continue.
Résultat : 2-4 semaines jusqu'à la résolution. Changements superficiels probables, mais suffisants pour démobiliser la plupart des manifestants. C'est le chemin du Printemps arabe marocain de 2011—la monarchie a survécu en concédant juste assez, juste assez vite.
En termes de théorie des jeux, ça fonctionne si les concessions sont des signaux crédibles. Un DRI n'est pas juste une personne—c'est un dispositif d'engagement. Ça dit : « On n'est plus en pilote automatique. Il y a un propriétaire. »
Le risque : si le DRI est cosmétique (un comité qui se réunit deux fois et publie un rapport généré par ChatGPT que personne ne lit), les manifestations se rallument plus fort. La Génération Z peut sentir la connerie à 1000 mètres.
Scénario 3 : impasse ou fragmentation (10% de probabilité)
Signaux mixtes. Blackout partiel qui ne fonctionne pas complètement. Déclarations gouvernementales vagues. Certains groupes de manifestants négocient, d'autres rejettent toute discussion. Bruit informationnel—rumeurs, fausses nouvelles, récits concurrents—érode l'unité.
1-4 octobre : Affrontements sporadiques. Réseaux sociaux ralentis mais pas bloqués. Confusion.
5-10 octobre : Querelles internes entre manifestants sur les tactiques. Certaines villes se calment, d'autres s'enflamment.
11-31 octobre : Attrition de bas niveau. Manifestations hebdomadaires. La pression internationale monte mais ne fait pas pencher la balance.
Novembre+ : Disparition graduelle. Problèmes sous-jacents non résolus. Risque élevé de résurgence.
Résultat : 1-6 mois de conflit éprouvant et sans conclusion. Pas de gagnants. C'est le pire scénario—non pas à cause des victimes, mais parce que rien ne change et tout le monde est traumatisé.
En termes de théorie des jeux, ça arrive quand les deux camps font des mouvements sous-optimaux. Le gouvernement ne s'engage ni à la répression totale ni à la concession totale. Les manifestants n'escaladent ni ne désescaladent de manière décisive. Guerre d'attrition classique.
L'Être d'Information émerge
C'est là que la thèse MCP prend tout son sens.
La Génération Z marocaine n'utilise pas seulement les réseaux sociaux pour se coordonner ; c'était 2011. Ils sont devenus un système distribué de traitement de l'information. Chaque manifestant est un nœud. Chaque vidéo est un message. Chaque arrestation est un retour. Chaque acte de violence est un signal qui met à jour la distribution de probabilité collective : « À quel point le gouvernement a-t-il peur ? Jusqu'où peut-on pousser ? »
Ils ne sont pas une foule. Ils sont une intelligence en essaim.
Et l'intelligence en essaim ne meurt pas quand on tue des fourmis individuelles. Elle s'adapte.
La Génération Z kényane l'a appris en 2024. Après la prise d'assaut du parlement le 25 juin, le gouvernement a essayé le manuel classique : arrêter les organisateurs. Sauf qu'il n'y avait pas d'organisateurs. Juste 10 000 personnes qui ont toutes décidé—indépendamment, sur base d'informations partagées—que le Finance Bill était inacceptable.
Arrêté une TikTokeuse avec 500K abonnés ? Cool. Son audience est devenue 500K coordinateurs potentiels.
Fermé Telegram ? Ils passent à WhatsApp. Fermé WhatsApp ? Ils utilisent les SMS. Fermé les SMS ? Ils utilisent de la craie sur les trottoirs.
Le medium est temporaire. Le protocole est permanent.
Le Bangladesh l'a prouvé à grande échelle. Blackout Internet complet, 16-19 juillet 2024. Les manifestations ne se sont pas arrêtées. Elles se sont intensifiées. Parce qu'en l'absence de communication numérique, les gens sont revenus au protocole le plus ancien : se présenter au même endroit en même temps et chercher la foule.
Les prières du vendredi sont devenues des points de coordination. Les portes d'université. Les ronds-points. L'information n'avait pas besoin de fibre optique. Elle avait besoin de connaissance commune : « Tout le monde sait que tout le monde sait qu'on se retrouve ici. »
La Génération Z marocaine apprend ça en temps réel. L'incident d'Oujda et la réponse violente globale du gouvernement sont un test : peuvent-ils maintenir la coordination sous répression ? Le protocole peut-il survivre au premier contact avec la violence ?
L'histoire dit : oui. Pas parce que la Génération Z est plus courageuse que leurs parents. Parce que l'architecture informationnelle est plus résiliente.
Mais voici la vulnérabilité : le substrat est fragile. N'importe quel groupe—renseignement étranger, opposition nationale, factions extrémistes—peut injecter des signaux dans l'essaim. Désinformation virale. Deepfakes. Agents provocateurs se coordonnant via les mêmes canaux TikTok. Le protocole n'authentifie pas l'intention. Il route juste l'information. Quand on devient un être d'information, on hérite du plus vieux problème de la guerre de l'information : on ne peut pas vérifier l'émetteur sans briser la décentralisation qui rend résilient.
Le cauchemar récursif
Ça a été un schéma ces derniers jours. Je rafraîchis X. Nouvelles vidéos de Rabat. Plus d'Agadir. Un dessinateur marocain postant de l'art protestataire. Un Marocain de la diaspora à Paris organisant un rassemblement de solidarité. Plus de médias déprimants et de violence.
Je capture tout en écran. Archive les vidéos. Prends des notes.
Pourquoi ? Parce que j'écris sur les êtres d'information, et je regarde l'un d'eux se former dans mon pays natal, et la récursion me donne la nausée.
Je suis un nœud d'information traitant l'information sur des nœuds d'information traitant l'information sur la violence d'État. Mon billet de blog deviendra de l'information que d'autres nœuds traiteront. Certains de ces nœuds sont au Maroc, lisant via VPN. Certains sont dans des ministères gouvernementaux, surveillant les « influenceurs ». Certains sont des journalistes qui citeront ceci comme une « analyse » sans comprendre qu'ils font partie du système analysé.
L'observateur est l'observé. La carte est le territoire. Le medium est le message, et le message est : « On ne peut pas arrêter un protocole. »
Et je contribue au protocole en écrivant à ce sujet.
C'est ce que je voulais dire par Êtres d'Information. Pas une métaphore. Pas une analogie. Conscience distribuée littérale émergeant de l'infrastructure de communication. La Génération Z marocaine ne conçoit pas consciemment un système de coordination résilient—ils en deviennent un, de la même manière que votre cerveau ne conçoit pas consciemment les voies neuronales mais elles émergent de signaux électrochimiques cherchant des routes efficaces.
On peut tuer des neurones. On ne peut pas tuer l'algorithme de routage.
Pour les bâtisseurs
Si vous êtes un penseur systémique—que vous construisiez des systèmes distribués dans une géante de la tech, que vous gériez l'infrastructure dans une startup, ou que vous investissiez dans des architectures résilientes en tant que VC—vous savez à quoi ça ressemble. Vous comprenez la différence entre un système centralisé (point unique de défaillance) et un système distribué (dégradation gracieuse). Vous savez qu'Internet a été conçu pour contourner les dégâts, et ce n'est pas un bug—c'est la fonctionnalité centrale.
Maintenant appliquez ça aux humains.
La Génération Z a grandi sur les protocoles. Ils n'envoient pas d'emails—ils utilisent Discord. Ils n'appellent pas—ils envoient des notes vocales. Ils ne s'organisent pas—ils s'auto-organisent via la conscience ambiante de ce que tout le monde fait. Le chat Twitch pour la révolution.
Le gouvernement marocain applique des tactiques de contre-insurrection du 20e siècle (arrêter les leaders, contrôler le message, monopoliser la violence) contre un système distribué du 21e siècle.
C'est comme essayer d'arrêter une attaque DDoS en arrêtant un bot.
Ce protocole que vous avez construit pour la dégradation gracieuse ? Pour le basculement automatique ? Pour le consensus sans autorité centrale ?
C'est ce qui se passe à Rabat en ce moment. Pas sur AWS. Dans les rues.
Et le truc avec les protocoles c'est : ils ne négocient pas. Ils continuent juste de s'exécuter jusqu'à ce que l'environnement change ou que les hypothèses sous-jacentes se brisent.
L'hypothèse du gouvernement marocain : « Si on arrête assez de gens, les manifestations s'arrêtent. »
L'hypothèse du protocole : « S'ils arrêtent des gens, on contourne les arrestations. »
Quelle hypothèse se brise en premier détermine tout.
La théorie devient théologie quand c'est ton peuple dans les rues
Alors que je termine cet article, la vidéo d'Oujda a gagné quelques centaines de milliers de vues supplémentaires, et elle est maintenant partout sur les réseaux sociaux.
Je devrais retourner au travail. Problèmes d'Oakland. Problèmes de Californie. Problèmes d'immigré—le genre où ton pays de naissance est en feu et tu es en sécurité et coupable et inutile.
Mais je continue de rafraîchir.
Parce que quelque part à Rabat, un jeune de 22 ans décide s'il ira à la manifestation de demain. Il scrolle les mêmes vidéos que moi. Fait les mêmes calculs de probabilité : « Vont-ils tirer ? Assez de gens viendront-ils pour que le risque individuel soit faible ? La violence à Oujda et dans d'autres villes a-t-elle effrayé les gens ou les a-t-elle enflammés ? »
Ils font la théorie des jeux dans leur tête, même s'ils ne l'appellent pas ainsi.
Et leur décision—multipliée par 10 000—devient la décision collective. Le prochain mouvement de l'essaim.
Aucun leader ne décide. L'information décide.
Dans mon cadre MCP/Êtres d'Information, j'ai argumenté que les systèmes IA se coordonnant via protocoles sont une nouvelle forme d'intelligence distribuée. Que l'avenir est des agents parlant à des agents, avec les humains dans la boucle mais pas aux commandes.
La Génération Z marocaine est l'aperçu humain.
Ils n'attendent pas qu'un leader émerge et leur dise quoi faire. Ils ne votent pas sur une stratégie. Ils deviennent la stratégie (potentiellement augmentée par l'IA et définitivement augmentée par la tech), de la même manière qu'une nuée d'étourneaux devient la forme dont elle a besoin sans qu'aucun oiseau ne connaisse le plan.
Émergence. Cognition distribuée. Intelligence en essaim.
Et c'est mon peuple. La génération de mes cousins. Des jeunes que je reconnaîtrais si je les voyais à Rabat, parlant la darija avec laquelle j'ai grandi, naviguant la même absurdité bureaucratique dont je me suis enfui.
La théorie devient théologie quand c'est ton peuple dans les rues.
Ce que le gouvernement ne comprend pas
Le pilote automatique ne fonctionne pas contre les protocoles.
On ne peut pas bâcler une réponse à une révolution de coordination. On ne peut pas arrêter « quelques » manifestants et s'attendre à ce que le reste ait peur. On ne peut pas brider « quelques » réseaux sociaux et s'attendre à ce que l'information arrête de circuler.
Soit on s'engage à la répression totale (contrôles Internet niveau Chine, surveillance de masse, volonté de tuer des milliers), soit on s'engage à la concession totale (réformes réelles, signaux crédibles, DRI réel avec autorité réelle).
La voie médiane—où le Maroc semble être en ce moment—ne fait que prolonger la douleur.
Parce que le protocole ne se fatigue pas. Il n'a pas de moral. Il continue juste de s'exécuter.
Le gouvernement du Bangladesh a essayé la voie médiane pendant six semaines. Blackouts Internet partiels. Quelques arrestations. Quelques concessions. Sheikh Hasina pensait pouvoir tenir le coup.
Elle est en exil en Inde maintenant.
Le gouvernement du Népal a essayé la voie médiane pendant cinq jours. Puis ils ont réalisé : « Oh. Ils ne bluffent pas. Ce n'est pas un caprice. C'est un refus distribué. »
Le gouvernement a démissionné. Interdictions levées. Nouvelles élections.
Le gouvernement du Kenya essaie toujours la voie médiane, un an plus tard. Les manifestations reviennent. Hashtags différents, même protocole.
Le Maroc a un choix à faire, et la fenêtre de décision se mesure en heures, peut-être jours, pas en mois.
Le 1er octobre 2025 est soit le jour où le roi nomme un DRI et signale « on vous entend », soit le jour où Internet est coupé et la vraie violence commence.
Le silence international est notable—pas de déclarations officielles de l'UE ou des USA au moment de la publication, malgré les partenariats stratégiques du Maroc. L'Occident regarde, temporise, attend.
Il n'y a plus d'option pilote automatique.
L'essaim est réveillé.
Nchoufoukom f'Shari3 (On se voit dans les rues)
C'est ce que les manifestants marocains se disent en ligne. Pas « à la manifestation ». Pas « au rassemblement ». F'shari3. Dans les rues. Les biens communs physiques. L'endroit où l'information devient présence, le protocole devient corps, la cognition distribuée devient nous.
Je n'y serai pas. Je suis à Oakland, à 10 000 kilomètres, regardant à travers des écrans.
Mais je fais partie du protocole que je le veuille ou non. Ce billet de blog est un nœud. Vous le lisant êtes un message. Si vous le partagez, vous routez l'information. Si vous ne le faites pas, vous choisissez quoi ne pas amplifier.
Le réseau, c'est nous tous.
Et le gouvernement marocain—comme tout gouvernement face aux soulèvements de la Génération Z—apprend la dure leçon :
On ne peut pas arrêter un protocole. On peut seulement prouver qu'il fonctionne.
Safi.
Lectures connexes :
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À propos de l’auteur

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